Les codes du Shojo
- Canadou
- 7 juil. 2022
- 10 min de lecture
Les différentes règles qui définissent un Shojo manga.

Mais dites-moi, ça fait un bail que je ne vous ai pas parlé de Shojo. Je sais que ça vous a manqué. Pour revenir en bonne et due forme de ce qui a été le thème de mon tout premier article, laissez-moi vous parler de cette culture japonaise codifiée allant créer des clichés récurrents dans les Shojo.
Tout d’abord, un Shojo c’est quoi ? Vous le savez surement déjà puisque j’en ai déjà parlé mais il s’agit d’une cible éditoriale et non un genre. Les Shojo sont donc des mangas dédiés aux adolescentes et aux jeunes femmes d’après la page Wikipédia. A aucun moment, on ne parle de petite fille, notez bien. Il existe d’autres cibles éditoriales qui touchent les jeunes enfants qui sont parfois divisés entre petite fille et petit garçon. Le Shojo est en opposition au Shonen (garçons et adolescents) et au Seinen (jeunes gens et hommes adultes). Il existe aussi les Josei visant les femmes adultes.
Les mangas sont prépubliés dans des magazines. Ce sont ces magazines qui sont spécialisés dans une cible éditoriale précise et qui donnent le type Shojo ou autres à un manga. En magazine Shojo, nous avons Ribbon ou le monthly Princesse. Les Josei sont généralement publiés dans des Shojo où Seinen mais il existe des magazines visant les femmes adultes d’où l’existence des Josei comme Petit Comic.

On peut se poser la question sous quels critères les éditeurs considèrent que tels ou tels mangas sont pour leur publique cible. Ce n’est pas évident à dire puisque si vous avez lu un article précédent sur les Shojo qui n’en ont pas l’air, vous verrez qu’il existe des contre-exemples aux règles que je vais vous présenter. Mais ce sont des exceptions qui sont assez peu nombreuses comparées au nombre total de Shojo manga. Alors, laissez-moi vous présenter 5 règles qui définissent un Shojo manga au point d’en devenir un cliché récurrent.
Pour m’aider, je me suis appuyée sur une liste de plus de 100 mangas qu’on retrouve dans la liste sur ce site.
Règle numéro 1 : La romance
La romance est quasi présente et souvent au centre de l’histoire. Alors j’ai fait un petit tableur Excel parce que je suis ce qu’on appelle une folle au tableau. Sur une centaine de Shojo manga, seule une petite dizaine n’a pas pour thème la romance. Mais cela ne les empêche pas de mettre les relations entre personnages au cœur de l’histoire. Sur ces dizaines de mangas, seulement la moitié n’a pas de relation amoureuse. Si je dois mettre des chiffres, ça fait que 5% des Shojo manga ne parlent pas d’amour. Alors c’est peut-être cliché mais ce n’est pas faux pour autant, les Shojo mangas sont des histoires romantiques la plupart du temps. La vraie question est pourquoi. J’ai été regardé les séries américaines pour adolescents, environ la même tranche d’âge que pour les Shojo, et on remarque que la romance est aussi présente surtout pour les séries considérées pour fille. La raison vient alors simplement d’une histoire d’étiquette.
Je sais ce que vous allez me demander… des exemples et des contre-exemples. Ce serait idiot de dresser la liste des Shojo manga dont la romance est présente puisque c’est le cas partout. Mais s’il faut des noms… « A romantic love story » de Miyasaka. C’est dans le nom et pour le coup si vous vouliez un exemple très cliché et horripilant, c’est un bon exemple.

Cependant, il n’y a pas que dans les Shojo qu’on retrouve de la romance. Forcément, les Josei ont tendance à avoir des histoires aussi romantiques puisque la plupart sont considérés comme Shojo. Mais « Your lie in April » c’est de la romance et un Shonen.

Contrairement à « La fillette au drapeau blanc » qui est bien un Shojo mais pas du tout romantique. Parmi les 5 autres pourcents, on y trouve « Le Pacte des Yokai », « Daisy, Lycéenne à Fukushima », « Le Requiem du roi des roses », « Banana Fish » et « Binan Koko Chikyu Boei-bu love ! » mais le dernier n’est pas un Shojo pour la raison qu’il soit édité par Pony Canyon et publié dans leur magazine du même nom. Cette société ne produit pas de manga vu que c’est une maison de disques qui produit parfois jeux vidéo et animes. En revanche, pour les autres ce sont bien des exceptions.

Règle numéro 2 : Le ou l’un des protagonistes est de sexe féminin.
Reprenons ma liste. Sur la même centaine de manga, je retombe seulement sur 7 mangas dont le protagoniste principal est un garçon. Sachant que dans les 7 il y a « Binan Koko Chikyu Boei-bu Love ! », ça nous donne 7 sur 118 Shojo mangas. Environ 5%. Ce ne sont pas exactement le même 5%que celui d’avant puisque « la fillette au drapeau Blanc » raconte l’histoire d’une petite fille de même que « Daisy, Lycéenne à Fukushima ». Mais pour le reste on retrouve « Le Pacte des Yokai », « le Requiem du roi des roses » et « Banana Fish ». Pourquoi ces 3-là sont des Shojo, franchement je ne pourrais pas vous l’expliquer.

Par contre, je peux vous expliquer pourquoi « Rainbow Days », « Toi, ma belle étoile » et « X-1999 » sont des Shojo alors que leurs protagonistes sont bien masculins. En effet, « Rainbow Days » raconte les relations amoureuses que vivent 4 lycéens. C’est une romance. De même pour « Toi, ma belle étoile », il s’agit d’une romance vue du point de vue d’un garçon mais la fille est centrale dans l’histoire donc il s’agit aussi d’une protagoniste. Enfin, pour « X-1999 », l’explication vient de la réalisation de ce manga écrit par CLAMP. CLAMP est connu pour être un groupe de femmes mangaka qui a popularisé beaucoup de Shojo manga. Je reviendrai sur elles pour la prochaine règle.

Le fait que les Shojo mangas ont des filles pour protagonistes n’est pas étonnant. En effet, un lecteur apprécie l’histoire lorsqu’il est capable de se reconnaître dans le personnage. Par effet de genre, une fille a tendance à plus se reconnaître dans une fille et un garçon se reconnaît dans celui d’un garçon. C’est psychologique mais loin d’être vrai. En fait si c’est vrai mais pas une généralité. Vous n’arrivez pas à me suivre, je sais. Je m’explique. Il existe tout genre d’exception mais cela n’impact pas vraiment les chiffres. Une personne qui se sent femme va se reconnaître dans l’histoire d’une femme que ce soit de la romance, du drame ou de l’aventure et inversement. Mais cela n’empêche en rien de se reconnaître dans un personnage au genre opposé disons que c’est seulement une probabilité plus élevée.

C’est donc pour cela qu’il existe des Shonen romantiques. Refaisons une petite liste. Sur une liste de 50 Shonen je n’ai compté que 5 dont le résumé parle d’une fille dans l’histoire comme protagoniste ou ce n’est pas précisé. Si on se penche un peu plus, il n’y a réellement que 4 dont la fille est le personnage principal de l’histoire ce qui fait un peu moins de 10% des Shonen romantiques. C’est le double que pour les Shojo mais ça reste relativement bas. On peut en conclure sans trop de difficulté que lorsqu’un manga parle de relation amoureuse avec un garçon comme personnage principal, il s’agit d’un Shonen. Encore plus lorsqu’il s’agit d’un harem comme « Love Hina ». Donc, lorsque l’histoire est centrée sur une fille, le manga est publié dans les magazines Shojo même s’il s’agit d’un drame horrible sur la Seconde Guerre mondiale. Je te regarde très fortement « La fillette au drapeau blanc ». Bien évidemment, ça n’explique pas les exceptions… ou presque.

Règle numéro 3 : Le mangaka est elle-même une femme
Sur la centaine de Shojo manga… j’avais la flemme de tout regarder. Donc j’en ai regardé sur quelques-uns dont je n’étais pas sûre et surtout sur les exceptions. Pour les autres, je fais confiance à mon instinct et mes vagues souvenirs pour vous dire que parmi la liste je n’y trouve aucun qui a été écrit par un homme et je dis bien aucun. « Le Pacte des Yokai » est écrit par Yuki Midorikawa qui est une femme. « Banana Fish » est écrit par Akimi Yoshida, une femme. « Rainbow Days » a été écrit par une femme et CLAMP est un groupe de femmes. Alors est-ce que ça serait ça la réelle définition d’un Shojo manga ? Est-ce qu’il faut être une femme pour écrire un manga pour adolescente ?

Je vais peut-être vous décevoir mais la réponse est négative. J’ai quand même vérifié mes chiffres qui ne dépendent que d’un échantillon relativement récent de manga. Je pourrais vous refaire toute l’histoire du manga rien qu’avec la page Wikipédia que vous avez dans les sources. Admettez, c’est inutile. Allons simplement dans les années 30. Les femmes autrices sont rares à cette époque. Non, mais vous imaginez ? Une femme qui écrit un manga ? De ce fait, les premiers mangakas ayant écrit pour les jeunes femmes étaient Suiho Tagawa et Shosuke Kuragane, deux hommes. Ce serait de l’injustice de ne pas parler de Machiko Hasegawa et Toshiko Ueda, les rares femmes mangakas. Logiquement, jusqu’aux années 60, c’étaient principalement des hommes qui écrivaient les mangas Shojo ou non. On retrouve le très célèbre Osamu Tezuka avec « Princesse Saphir ». Mais après les années 60, Toshiko Ueda est accompagnée de plusieurs femmes pour écrire les mangas. A partir de là, les tendances s’inversent et les Shojo mangas sont principalement écrites par des femmes.

Et du côté du Shonen alors ? Croyez-le ou non mais il y a beaucoup de femmes. « Your lie in April » est effectivement écrit par Naoshi Arakawa, un homme, comme pour « Love Hina » écrit par Ken Akamatsu. Mais pour le reste… « A silent voice », « Love X Dilemma » ou encore « Yamada-kun and the 7 witches » sont écrits par des femmes. Il y a encore « Horimiya », un Shonen avec une très belle romance, qui est écrit et dessiné par deux hommes. Là je vous parle des Shonen romantiques. Si on sort de la romance, ça ne change pas grand-chose. « Blue Exorcist », par exemple, est écrit par Kazue Kato.
Cette règle n’a aucun sens… Mais, il ne faut pas oublier que c’est grâce aux Shojo mangas que les femmes ont pu devenir mangaka sans être stigmatisée.

Règle numéro 4 : L’histoire se passe généralement dans le monde réel
Pour définir mes propos correctement, il faut connaître la différence entre fantastique et fantaisie. Une histoire fantastique est une histoire où des choses étranges se passent dans notre monde à nous et cela provoque l’étonnement chez les personnages. Par exemple, « Dracula » est un exemple de fantastique très populaire. La fantaisie, quant à elle, se passe dans un monde inventé de toutes pièces où l’étrange fait partie du quotidien. « Le Seigneur des anneaux » est une fantaisie.

Dans cette règle, je veux démontrer qu’il y a très peu de fantaisie parmi les Shojo mangas contrairement aux mangas pour les autres cibles. Le genre et les thèmes prédominant dans les Shojo mangas sont les Slice of life ou School life, littéralement Tranche de vie et Vie scolaire. Près de la moitié d’entre eux sont identifiés comme des Slice of life ou School life sur les sites comme Manga News. D’autres n’ont pas ces mentions mais sont visiblement des School life ou Slice of life car ils se déroulent généralement dans un lycée par exemple « Sawako ».

Les restes sont des fantastiques ou du surnaturel. L’histoire se passe dans le monde réel même s’il s’y passe des choses étranges. J’inclus aussi tout ce qui est considéré comme normal mais qui se passe tout de même dans le monde réel. Toutes les histoires de vampires sont comprises dedans. « Vampire Knight » est un fantastique. Tout se passe dans le monde réel et personne ne sait que la classe spéciale est en réalité une classe de vampire. En surnaturel, on a « Fruits Basket ».

Tout ça pour dire que la fantaisie est présente dans seulement 4% des Shojo mangas. Dans les exceptions, il y a tout de même la très fameuse « Yona, Princesse de l’aube ». Personne n’est étonné par la présence des dragons dans ce manga. Mais encore « Shirayuki aux cheveux rouges » qui se passe dans un monde totalement parallèle dénué de magie. « Les chroniques d’Azfaréo » ou encore « Le Pacte des Yokais » sont d’autres exemples sur ma liste des 200 mangas.

Règle numéro 5 : La vision de la féminité
La règle qui décrit le mieux, ou le moins bien, les Shojo mangas restent les accumulations des clichés récurrents. En effet, les Shojo ont une très mauvaise réputation due à ses nombreux clichés dont certains sont avérés. Ce qui dérange le plus, ou plaît le plus, est en lien avec la règle numéro 2 et la règle numéro 4. De manière récurrente, une héroïne principale a tendance être associé à une vision de la féminité qui est différente de celle d’un Shonen. De manière clichée, un Shonen aura tendance à représenter les femmes de manière très sexualisée. C’était beaucoup le cas à une époque. À présent, les choses changent. Cependant, les clichés restent et les filles à la poitrine abondante restent surreprésentées.

Dans les Shojo, ce sont des filles plutôt mignonnes qui sont représentées. Bien loin de la femme très sexy, généralement nous avons une jeune fille timide, mignonne et féminine. La féminité, ici, se résume par le caractère calme et docile. Vous remarquez que la féminité porte des définitions différentes.

Il n’y a pas de chiffre puisqu’il s’agit d’un avis général. Si vous demandez à une personne dans la rue de décrire un Shojo, il y a une forte chance qu’il ressorte les clichés habituels. Il peut vous parler de l’intelligence de l’héroïne. Enfin, plutôt sa naïveté et son manque d’intelligence.

Je vous ai parlé du caractère récurrent de l’héroïne, mais vous ai-je parlé du caractère récurrent du principal d’un Shojo ? À l'opposé de la fille mignonne et généralement impopulaire, nous avons un garçon très populaire voire la star du lycée. Soit ce garçon est populaire auprès de tous soit il attire beaucoup les filles. Mais dans les cas où le garçon n’est pas spécialement populaire, il y a au moins le cliché d’un passé sombre ou d’une histoire de famille compliqué. Le bad boy, le popular boy, le riche, le mec sombre… Rare est le garçon timide qui reste dans son coin.

Par exemple, vous retrouvez « Love be loved, Leave be left » mais aussi tant d’autres. Cependant, en contre-exemple, vous pouvez retrouver les exceptions citées avant.

Bien évidemment, cet article ne vous parle pas de l’ensemble des Shojos et les exceptions sont là pour vous le prouver. J’avais une liste de près de 200 mangas. Je n’ai pu vérifier les détails que d’une centaine d’entre eux. Imaginez seulement qu’il existe bien plus que 200 Shojos manga. Toutes les exceptions existent. Puis même sans exception, les fans de Shojo manga vous diront que certaines de ces règles leur plaisent. C’est mon cas. Le fait que les histoires sont généralement proches de la vie réelle est ce qui m’attire le plus dans ces mangas. Le mieux reste que chacun fait son propre avis en lisant ce qui pourrait l’attirer le plus.
Merci à ceux qui ont lu l’article. On se retrouve pour un prochain article.
Sources :
Très bon post ! moi même pour définir le shojo, la règle : l'héroine doit être une fille et l'auteur une femme sont à mon sens obligatoire. Donc sympa d'avoir fait cette petite présentation :D (c'est marquise si tu te demandais)