Critique_ Le rap
- Canadou
- 21 janv. 2022
- 20 min de lecture
Stupeflip, Orelsan, Keny Arkana... Le meilleur du rap français.

J’avais pour objectif de faire une critique sur un album de musique, plus précisément du rap. Mais en écrivant l’introduction, je me suis rendu compte que j’allais écrire un argumentaire sur mes préférences en matière de rap. Ce qui aurait trop rallongé l'article.
Chers lecteurs, bienvenue dans ce prequel de critique, commentaire de texte ou dissertation d'argumentation dédiée au rap.
SOMMAIRE :
Introduction
Les exceptions
'Fleur Fanée', L'Algérino
'La Terre est Ronde', Orelsan
'La Petite Marchande de Porte-Clé', Orelsan
'L'Odeur de l'Essence', Orelsan
'Dommage', Bigflo et Oli
'Papa', Bigflo et Oli
'Le Spleen Des Petits', Stupeflip
'Stupeflip vite', Stupeflip
'Vie d'Artiste', Keny Arkana
'V pour Vérité', Keny Arkana
'Gens Pressés', Keny Arkana
'Madame la Marquise', Keny Arkana
INTRODUCTION :
Sachez une chose, je n’aime pas le rap. Mais alors pas du tout. Il existe quelques exceptions. Des rares exceptions qui ne sont pour autant pas dans ma playlist.
Ce que je vais aimer dans un rap c’est le texte. Je peux aussi aimer ou ne pas aimer selon le rythme mais tout dépend surtout du sens des paroles. Donc si j’apprécie un rap, il est forcément Français pour que je puisse comprendre. Maintenant, au niveau du texte, je peux apprécier des raps construits simplement mais dont les mots me font sens comme je peux ne pas apprécier un texte très bien construit. Je vais accorder de l’importance aux effets de rythmes, aux vocabulaires, à la grammaire ou les tournures de phrases comme le sens du texte et les propos tenus.
Ce que je ne vais pas aimer voire détester dans un rap, c’est le manque de mélodie. C’est le principe du rap, la musique et les instruments ne servent qu’à donner le rythme. La mélodie, on s’en fout. Et c’est un problème pour moi. Je préfère l’aspect mélodique des musiques même dans une musique vocale pop. Je vais surtout apprécier les instruments et les techniques employés avant d’apprécier le rythme, les « boum boum » et tout ce que les gens aiment en boîte de nuit.
Ne m’invitez jamais en boîte ou je vous casse les tibias.
Un autre gros souci que j’ai avec le rap est le genre en lui-même. Généralement, quand on vous demande ce que vous écoutez comme musique, vous allez répondre un genre ou « un peu de tout » quand vous n’avez aucune originalité. Donc le genre est très indicateur de nos préférences. Quand on me demande ce que j’écoute comme musique, je réponds Rock/Métal… ou « un peu de tout » quand je veux être gentille.
Si on doit représenter les genres musicaux par une ligne…
Ne criez pas les musicologues, je ne peux m’appuyer que sur mes connaissances et je ne suis pas une spécialiste.
Donc une ligne avec d’un côté il y a le rap et le rock et le métal se trouvent tout à fait l’opposé de cette ligne. En gros, ce n’est vraiment pas mon truc.
LES EXCEPTIONS :
Cependant, j’ai parlé d’exceptions. Et c’est le sujet principal de cette critique. Avec quelques exemples, je vais vous montrer mes préférences en matière de rap mais aussi sur quoi je m’appuie pour dire que je n’aime ou que je n’aime pas.
Pour commencer, je vais vous raconter mon enfance. Comme on s’en fout de 96% de cette dernière, je vais simplement vous dire qu’à l’école primaire, j’écoutais principalement du rap. Oui, j’ai eu une phase comme celle-ci à l’âge de 9 ans. À l'époque, il y avait notamment les Sexions d'assaut. On ne peut pas être parfait. Il y avait aussi L’Algerino et d’autres dont je m’en rappelle plus. J’adorais Soprano. Je ne jurais que sur lui jusqu’à ce que je passe à Orelsan et Stupeflip. Après, j’ai découvert System of a Down et Alestorm et là, ma vie a basculé. Entre-temps, j’ai été à fond sur Bob Marley mais on s’en fout. Tout cela pour dire que le rap, je l’ai assez bien connu et expérimenté.
Pendant ce temps, j’avais un frère. Je l’ai toujours, on s’en fout. Lui était un fan de Keny Arkana. De là, je me suis penchée sur le genre en voyant que le rap avait un certain intérêt. Je n’ai jamais trouvé mon intérêt pour le rap sauf pour les rares exceptions et ceux qui ont bercés mon enfance.
L'ALGERINO :
Je me rappelle encore très bien de 'Fleur Fanée' de L’Algérino. Il n’y a presque aucun instrument juste des basses pour donner un rythme et encore. Tout est porté par la voix de Samir Djoghlal. C’était aussi la seule de L’Algérino que j’appréciais autant. Les autres je ne les aimais pas vraiment.
Dans ce titre, le rappeur marseillais raconte l’erreur d’un mariage trop tôt et les conséquences qui sont, ici, la tromperie. Ce texte est appréciable pour son refrain.
Tout le refrain est une métaphore qui suggère les choses. Ce n’est pas claire la première fois mais il prend sens avec les couplets.
« Fleur fanée Maudit sois ce jour où j'ai cueilli cette putain de fleur Pensant faire le bon choix j'ai tout de suite ouvert mon cœur »
Je n’aime pas quand les textes manquent en subtilité. J’apprécie les belles tournures, les métaphores… Le refrain est déjà une métaphore mais les couplets sont plus directs dans les propos. Ce n’est pas dérangeant car ce sont des propos respectueux et avec un bon vocabulaire.
« Le jour du mariage, j'avais une rose rouge à la main, j'suis venu la chercher avec une limousine »
Ça c’est pour la plupart des couplets. Le couplet final, lui, est déjà mieux élaboré.
« Elle a commis l'irréparable la pire chose qu'on puisse faire à un homme Et qu'un homme fier ne peut pardonner J'vais pas tout dévoiler par pudeur, par respect Mais sache que cette **** ne s'est même pas respecter Corps sali, corps souillé elle a tout perdu Gagnée une réputation de fille qui donne facilement son *** (chut) »
Pourquoi je dis qu’il est mieux élaboré ? Dans un rap classique que je n’aime classiquement pas, il n’y aurait pas ‘pudeur’ et ‘respect’. On aurait eu plus de détails sur ce qu’elle a fait et les termes soufflés seraient criés voire répétés. Ici, il n’y a aucune insulte dans le couplet. Pourtant, on sent qu’il a très envie de l’insulter. C’est normal, il est en colère. Mais il ne le fait pas et ça mérite une fleur.
ORELSAN :
Certainement, vous connaissez Orelsan. Vu comme une référence en matière de rap français, il est difficile de passer à côté. Beaucoup sont ceux qui ont tenté un featuring avec lui. Aujourd’hui, il a même le droit à sa propre série.
"La Terre est Ronde" :
Quand je l’ai connu, c’était d’abord pour 'La Terre est Ronde' et notamment pour une phrase qui, en cette époque trouble de ma vie, me faisait sens.
« T'as besoin d'une voiture pour aller travailler Tu travailles pour rembourser la voiture que tu viens d'acheter Tu vois l'genre de cercle vicieux ? Le genre de trucs qui donne envie d'tout faire sauf de mourir vieux »
Orelsan est surtout engagé dans ses raps. Sans parler de politique, il dénonce la société en général. Il commence par le refrain avec le titre de la chanson ‘La Terre est Ronde’. Son premier couplet commence par le "cercle vicieux". Il montre ainsi ce qu’il veut dire pour "la terre est ronde". Dans son rap, il parle d’une chose que beaucoup connaissent : le fait de remettre tout au lendemain. Son refrain et le début de son premier couplet sont les premières explications qu’ils donnent pour se justifier avant même de dire qu’il remet tout au lendemain. De cette manière, on ne peut être que d’accord avec lui. C’est comme quand, enfant, vous marchandiez avec vos parents pour aller chez un ami : vous ne dites pas en premier lieu « Je veux aller » mais d’abord quelque chose du genre « Il y a un travail de groupe à faire pour l’école ». De cette manière, plus de chances que vos parents acceptent. Si vous n’aimez pas mentir : « Ça fait un moment que je n’ai pas vu d’ami, ça me ferait du bien de sortir ».
Orelsan arrive à tourner les choses de manière à que ce soit vrai ou qu’on soit obligé de le croire. Cela ressemble à de la manipulation mais savoir s’exprimer correctement est de l’ordre de la manipulation. Le long de son texte, il s’exprime de manière à donner l’impression d’un cercle.
« Tu peux courir à l'infini »
« J'suis pas feignant, mais j'ai la flemme »
Le "mais" donne l’impression de revenir au point de départ comme sur un cercle. De plus, feignant et flemme veulent dire la même chose.
« J'veux prendre le temps, avant qu'le temps m'prenne et m'emmène »
Ici, il y a une assonance.
« Y'a vraiment rien dont j'ai vraiment besoin On verra bien si j'me perds en chemin »
Répétition de "vraiment" et rimes internes entre ‘bien’ et ‘rien’ mettant en avant le fait que moins on en a mieux on se porte… Et là encore je paraphrase.
" La Petite Marchande de Porte-Clé" :
Le rappeur peut tout aussi bien créer des petites histoires toujours engagées contre une société mais d’un ton plus léger. Dans 'La Petite marchande de Porte-Clé', il raconte le chemin traversé par une marchande de porte-clé qui a immigré en France. Il utilise ce joli petit texte pour parler des crimes commis après la loi de l’enfant unique en Chine : le trafic d’enfant. De manière poétique, il utilise rimes, allitérations, assonances, répétitions, tous ça pour nous raconter une belle histoire.
« Sa mère voulait attendre et la marier Son père voulait la pendre ou la noyer »
« Son réveil ? C'est un grand coup de pieds dans les côtes. Son petit dèj ? C'est du pain à la vapeur et de l'eau »
« Sans personne, sans argent, sans carte d'identité »
Je ne vais pas répéter ce qui est évident : Orelsan écrit ses textes avec intelligence et poésie.
"L'Odeur de l'Essence" :
Récemment, c’est politiquement qu’il s’engage avec 'L’Odeur de l’Essence'. Si le texte est moins poétique que les précédents, c’est dans son engagement et les phrases choquées qu’Orelsan montre son engagement. De la même manière que 'La Terre est Ronde' et 'Basique', il utilise des phrases vraies dans tous les cas pour qu’on puisse le croire, et difficile de ne pas le croire. Il met en avant tous les vices et les problèmes de la société. Il montre la fin inévitable de cette société.
« On va tomber comme les Mongols Comme les Égyptiens, comme les Romains, comme les Mayas, comme les Grecs »
Le plus impressionnant est la quantité de textes : 94 phrases différentes. C’est énorme. Et ce qui est encore plus impressionnant et sa métaphore finale : la société est un avion.
« On s'bat pour être à l'avant dans un avion qui va droit vers le crash »
C’est une manière très belle de dire que la fin de notre société est inévitable. Un crash d’avion est inévitable. La société a décollé, a pris son envol correspondant au moment où la société était à son paroxysme. À présent, elle se dirige droite vers sa fin entrainant avec elle plusieurs millions de personnes.
Tout cela est extrêmement pessimiste et fataliste. Mettons un peu de gaieté en parlant des jeunes du rap français : Bigflo et Oli.
BIGFLO ET OLI :
J’ai connu Biglfo et Oli grâce au NMT de LinksTheSun sur leur titre Je suis. Je ne vais donc pas exprimer mon ressenti global car ça correspond grosso merdo à ce qu’il y a dans la vidéo. Ils savent écrire leurs textes. Il y a de la poésie et de la rime partout. Ils s’expriment avec une ouverture d’esprit rare chez certaines personnes. Et ils ont fait des titres que j’affectionne beaucoup.
"Dommage" :
Même mes parents ont aimé 'Dommage'. La chanson fait le portrait de 4 personnes qui loupent un grand tournant qui aurait pu changer leur vie. Les 3 premiers couplets parlent de choses anodines qui peuvent arriver à beaucoup de monde : voir une inconnue dans la rue, changer sa carrière professionnelle, sortir avec des amis… C’est le dernier couplet qui change totalement d’ambiance. On part sur une ambiance légère, d’une vie de jeunes adultes où il s’y passe pleins de choses et avec beaucoup de tournant, à des conséquences beaucoup plus graves de la passivité.
« Pauline elle est discrète, elle oublie qu'elle est belle. Elle a sur tout le corps des tâches de la couleur du ciel Son mari rentre bientôt, elle veut même pas y penser Quand il lui prend le bras, c'est pas pour la faire danser Elle repense à la mairie, cette décision qu’elle a prise A cet après midi où elle avait fait sa valise Elle avait un avenir, un fils à élever Après la dernière danse, elle s'est pas relevée »
J’ai un problème avec les négations et c’est insupportable de voir autant de phrase négative sans le n. Sans regarder la syntaxe et les erreurs grammaticales, ce couplet contient des périphrases qui atténue énormément la gravité de la chose. Ici, on parle d’une femme battue par son mari. Cela est exprimé par ‘des tâches de la couleur du ciel’. L’image du ciel est, normalement, une image paisible.
Derrière, il y a une litote : ‘Quand il lui prend le bras, c’est pas pour la faire danser’. C’est plutôt le contraire même. Et surtout ‘Après la dernière danse, elle s’est pas relevée’ qui dit de manière très délicate qu’elle est morte sous les coups de son mari.
Tout cela montre la sensibilité dont fait preuve Bigflo et Oli. Leurs textes sont subtils. Immature, simple, pâle à côté de ce qu’Orelsan peut faire mais habile.
"Papa" :
La chanson que je préfère, et c’est purement personnel, de Bigflo et Oli est 'Papa'. Je n’aime pas le fait que les rappeurs se présentent au début de leur chanson mais le reste avec le refrain suivi d’une petite chanson argentine chantée par Fabian Ordonez, leur père, les pardonnent.
Cette chanson parle de ce que tous ceux qui ont été élevés par leur père connaissent. Ils expriment très bien les qualités et les défauts de la relation paternelle pas toujours facile. Mais ils expriment aussi cet amour inconditionnel qui est vrai pour la plupart des parents. La construction du texte n’a rien à envier au précédent. Ils ne font qu’exprimer comme sur une lettre leurs sentiments. Mais c’est justement cette expression de sentiment qui nous touche plus facilement et personnellement. Cela paraît alors plus naturel, ils ne cachent rien.
« Il prend de l'âge, je l'ai lu dans ses courbatures »
On peut plus facilement se rapprocher des jeunes rappeurs. Ils partagent un peu de leur vie et montrent une partie d’eux à leur public.
« C'est mon idole, avec lui rien est impossible C'est un peu mon avocat, mon cuistot, mon taxi »
« Mon père c'est mon boss, mon roi, mon héros Moi, je suis son gosse, son minot, su hijo »
Le plus beau couplet, je trouve, est celui de Biglo avec toutes les rimes en "Pa" répétées pour donner "Papa".
« Derrière moi depuis mes tout premiers pas-pas Tous mes amis le trouvent vraiment très sympa-pa Ils les invitent à partager les repas-pas Mon père c'est le meilleur mais ca se compare pas »
Seule à ‘pas’, la rime n’est pas répétée et c’est évident puisque le mot signifie l’absence de quelque chose et qu’ils veulent au contraire montrer la présence de leur père.
Ce qui est admirable chez eux c’est qu’ils restent humbles.
« Mais si t'es papa, tu sais que t'es pas parfait »
Ils ne prennent pas la grosse tête malgré leur succès. Beaucoup à leur place auraient égoïstement trop pensé à eux-mêmes et se valoriser eux-mêmes. Vous vous rendrez compte bientôt.
STUPEFLIP :
Maintenant qu’on a parlé des grands succès du rap, revenons à quelque chose de plus discret. S’il y a un bien un groupe de rap que je trouve peu reconnu c’est Stupeflip. Je ne dis pas que tout ce qu’ils font est un chef-d'œuvre, mais ils ont de bons textes.
"Le Spleen Des Petits" :
'Le Spleen Des Petits' raconte de manière innocente comment un enfant peut devenir une tête brûlée. Ils parlent subtilement du harcèlement scolaire et d’une vision plutôt négative d’un enfant. C’est assez intéressant car le point de vue des enfants est rarement pris en considération et, ici, c’est le sujet central.
« Il sait pas si maman c'est à quatre heures ou à cinq heures et demi, il sait pas pourquoi la dame est méchante à la garderie »
De cette manière, ils parlent du harcèlement scolaire banalisé. Ce genre de harcèlement qu’on prend pour des chamailleries mais qui ont pourtant de graves conséquences.
« le chef de table, c'est un grand blond qui l'embête, celui qui dans les arbres lui avait perché sa casquette, il s'acharne sur le p'tit, qui lui a jamais rien fait, à la récré, c'est moqueries, même à la balle au prisonnier, c'est la tête de turc le genre qu'on course dans le parc, avec un pull trop grand, qu'a tellement peur des clowns au cirque, à l'école, pour lui c'est l'humiliation»
Et enfin, en un mot, ils montrent l’une des conséquences principales qui est le changement d’un enfant sage en enfant turbulent. Ils montrent avec tout ça la rage qu’on peut ressentir contre tout le monde comme un enfant qui en veut à ses parents.
« son petit cœur était pur mais maintenant il crie "vengeance" »
"Stupeflip Vite" :
Cette chanson n’est pas la plus connue. J’ai connu Stupeflip surtout avec 'Stupeflip Vite'. Pour vous dire, je l’ai connu j’étais au collège. Je ne l’ai pas spécialement écouté depuis et pourtant certains passages me restent en tête grâce aux nombres impressionnants de rimes qui sonnent comme dans une pub pour télé. Ce texte est rempli de punchline mémorable. Il y a un gros défaut. Stupeflip est loin d’être parfait, son texte n’a pas de sens en lui-même. Il mène nulle part. On peut comprendre qu’il parle de censure ou d’autocensure. On comprend qu’il est en colère pour plusieurs raisons. À part ça, il n’y a que le rythme qui est super. On verra qu'ils sont loin d'être les seuls à faire ça.
« Et c’est l’hypocrisie totale Peu d’espoir que ça déraille Et c’est l’apathie générale Peu d’espoir que les gens changent»
« Écoute mon cœur Écoute la rage Écoute ce texte anthropophage Écoute ce mec qui vote réac’ Écoute cette mère seule qui craque Écoute le cri des animaux Quand on les enfouit dans un sac »
Ils font des références et mettent du vocabulaire très varié.
« Viens pas me juger Je fais ce que je peux Avec ce que j’ai grand C’est pas le carnaval des enfoirés Ni Augustin Legrand »
Et puis c’est une bible de punchline comme je l’ai déjà dit.
« Ces poumons t’éclairent Comme l’EDF au nucléaire »
« Tu crois gérer Mais t’es mal digéré »
Et j’en passe…
KENY ARKANA :
Personnellement, je trouve que le rap doit avoir un fort message. Un message politique, un message sur la société ou d’autres messages. C’est l’essence même du genre. Je sais qu’il existe certainement de grand rappeur, ayant compris l’intérêt du genre, que je ne connais pas ou que je n’ai jamais écouté. Mais je sais qu’il existe Keny Arkana.
Quand je parle d’un rap que j’aime voir que j’adore, c’est elle que je vois. Quand Orelsan est le dieu du rap français, une grande référence inévitable, je considère Keny Arkana comme un prophète, une artiste de l’ombre qui ne craint pas d’être vaincue.
Ce que j’aime dans ses raps est, d’abord, la mélodie qu’elle utilise en intro ou en fond en plus du rythme. Ensuite, elle rap vite. Elle reste totalement compréhensible, avec une bonne articulation tout en enchainant les vers sans pause. Et enfin, ses textes en eux-mêmes. Keny Arkana est extrêmement engagé. Ses raps sont pour la plupart politiques et, sans censure, sans manque de respect, elle met en avant tous les vices de la société et de la politique. Elle dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Tout ça, avec un vocabulaire varié et des effets de rythmes poétiques., sans parler de la longueur de ses textes.
"Vie d'Artiste" :
Quand je me suis penchée sur Keny Arkana, j’ai d’abord écouté 'Vie d’Artiste'. La musique raconte juste une artiste qui s’accroche à ses intérêts et qui subit toute la pression des maisons de disque et de sa vie d’artiste.
« Rien à carrer de la vie d'artiste Petite n'a pas changé de bord J'suis celle que l'on prenait de haut Le nez toujours fourré dehors Je me moque de l'or pourtant captif Comme toi gosse de Babylone Mais pas dans vos cases qui nous cassent Laissez-moi penser j’ai pas besoin de pilote »
Si la musique et sa vitesse m’ont impressionné, ce n’est pas le message qui m’a fait adorer Keny Arkana. L’atout majeur, ici, c’est sa manière têtue de rester qui elle est sans se laisser influencer. Elle tient à ses convictions, elle ne changera pas sa manière d’être même devenue riche. Et surtout, contrairement à beaucoup de rap que je n’aime pas (j’en reparlerais), elle ne fait pas de rap pour le succès, elle rap pour s’exprimer. Sa musique n’est pas un métier, c’est sa vie. Elle écrit ses textes car elle veut s’exprimer.
« J'les écout’rai quand ils parl’ront D'humanité avant d’parler d’millions »
Elle s’exprime toujours en utilisant beaucoup de vocabulaire, de références, et de figures de style.
« Ma vie entière c'est du hors-piste À avancer dans le désert Ou postichée sur ma dune À mater la pente abrupte Entre le ciment et la Lune »
Le ciment caractérise la ville. Elle explique que sa vie n’est pas conventionnelle ("hors-piste", "désert") avec du danger ("pente abrupte") et ceux en étant une enfant de la ville qui rode la nuit.
« J'confonds pas l’but avec le moyen »
Avec cette phrase, elle montre que le succès de star, l’argent, la vie d’artiste est un moyen pour son but à elle. Beaucoup considère la gloire comme étant un but, ce n’est pas son cas. En plus de cela, l’utilisation de "moyen" fait aussi référence à l’argent montrant bien que l’argent n’est pas l’objectif de son rap.
« J'suis la plume de mon âme Qui était là quand petite fille Domiciliait sur le macadam? Personne! »
Avec ça, elle explique pourquoi elle fait du rap. Sa musique est son âme, ses textes font partie d’elle. Si elle a commencé à prendre la plume c’est que, petite, elle se sentait seule. Abandonnée à son sort, sur "le macadam" (une chaussée).
"V pour Vérité" :
Si dans cette musique elle exprime son point de vue personnelle et son vécu, dans 'V pour Vérité', elle met en avant son point de vue politique anarchiste et appel à la désobéissance civile, une désobéissance différente de celle de La Boétie.
Le nom est une référence à V pour Vendetta, une bande dessinée de 1982 qui parle d’un anarchiste. Vendetta est un nom emprunté de l’italien qui est utilisé pour parler de vengeance et plus généralement d’hostilité.
La musique en elle-même fonctionne comme une pièce de théâtre. Elle commence par un journal télévisé où le journaliste décrit des scènes de violence faites par des anarchistes. C’est à ce moment que Keny Arkana coupe la chaîne avec un piratage pour s’exprimer devant les téléspectateurs.
« Mesdames et messieurs, excusez pour la gêne Coupure momentanée de votre journal télé car notre voix est HS Besoin d'exprimer notre point de vue aux yeux du pays Exprimer pourquoi on a clamé qu'il était urgent de désobéir »
Elle s’adresse aux personnes se fiant aux journalistes mais aussi à ceux qui ont effectivement des doutes mais continus d’obéir. À la quatrième phrase, elle parle déjà de la désobéissance. Le long de la musique, les journalistes vont reprendre l’antenne ce qui va entraîner un dialogue direct ou sur un long terme.
« Veuillez-nous excuser pour cet incident technique, il semblerait que nous ayons quelques problèmes Excuse les problèmes techniques. Faut dire qu'ils ne veulent pas qu'on vous cause »
« Chers téléspectateurs, vous venez d'entendre une propagande terroriste […] Mesdames et messieurs nous sommes ces jeunes qu'on ghettoïse Rappelez-vous de nos paroles lorsqu'ils nous diront terroristes »
On observe aussi une évolution chez les journalistes. Au tout départ, ils disent « Mesdames, Messieurs, ». Repris par Keny Arkana tout du long au début et milieu de couplet afin de marquer une pause. Ce sera repris aussi par le commissaire quand il interviendra mais pas par le journaliste qui, au bout d’un moment, utilise « Chers téléspectateurs ». Le mot ‘téléspectateurs’ donnent l’impressions que ce ne sont plus des individus qui regardent mais juste des chiffres malgré le ‘chers’ qui tente de rendre intime, cela ne marche pas quand Keny Arkana réutilise ‘Mesdames, Messieurs’ peu de temps après. Tandis que les journalistes parlent aux chiffres, Kenya Arkana s’adresse aux personnes.
Contrairement à certains raps politiques, Keny Arkana n’accuse pas. Elle ne va accuser que journalistes et politiques mais ne s’attaquera pas à ceux qui les écoutent.
« Nous ne sommes pas vos ennemis, bien qu'ennemis du système »
Elle utilise, comme toujours, des effets de rythmes :
« Ils ont créées les règles telles quelles Telle et telle guerre tirant profit du sang de terre-mère »
Par la métaphore, elle parle des guerres dans les pays riches en pétrole où d’autres pays vont en tirer profit.
« Redessine demain devient peuple. Société redevient peuple. »
Le rap politique n’a pas forcément de grand succès car dépend de l’avis de chacun. Il s’agit de son avis qui ne sont pas les mêmes que les autres.
"Gens Pressés" :
Cependant, Keny Arkana arrive dans d’autres de ses textes à critiquer une société sans accuser personne ou indirectement. Elle appelle à la désobéissance civile dans 'Gens Pressés' mais n’accuse personne et reste globalement vague sur son avis politique.
« Babylone s'écroule quand on agit par nous-même alors brises tes chaines ! »
En faisant, ici, référence à Babylone, une ville antique de Mésopotamie. Dans 'Gens Pressés', elle critique une société en manque d’humanité.
« il court pour oublier qu'il s'est oublié dans le paraitre ... »
La société est comparée à une prison.
« pret a mourir pour défendre la cage qui a tué nos ames et tout ce qu'elles referment couleur d'usine, ou barreaux en fer horizon barrières, là ou murs nous encerclent »
Son appel à la désobéissance se fait par l’expression métaphorique ‘brises tes chaines’ qui est répétée à plusieurs reprises le long de la chanson.
« les gens se détestent, malédiction les gens se dépêchent sans savoir ou ils vont angoisse et stress, poisse, détresse »
Elle décrit une société perdue, sans amour et surtout bouffé par la pression. Et pour donner en exemple les conséquences, elle parle de la jeunesse.
« véridique chez jeunesse ya plus une once de rêve, tous trahis on se crève en secret on s'aime, on se haït on saigne si on faillit on serre, on crève si on cède »
La jeunesse était le futur d’une civilisation si celle-ci est appelée à se relever contre une société ou une autre cela amène de grands changements. Keny Arkana n’est pas dupe, à utiliser l’exemple des jeunes, elle appelle à la désobéissance chez eux.
« vas-y sauve toi de toi-même ! »
Son dernier couplet se termine par cette phrase. Elle nous pousse à réfléchir et à se poser les questions. Elle montre aussi indirectement qu’on a le pouvoir de changer les choses et qu’on est en partie responsable.
"Madame la Marquise" :
Lorsque Keny Arkana critique la société, dans 'Madame la Marquise', elle passe par le personnage d’une marquise des temps modernes. Je ne sais pas si c’est volontaire ou non mais Paul Misraki compose en 1935 'Tout va très bien madame la marquise'.
Dans cette chanson, il y a une aggravation des phénomènes qui arrive pendant l’absence de madame la marquise mais en lui répétant :
« Tout va très bien, Madame la Marquise, Tout va très bien, tout va très bien. »
Or, l’accident s’agit tout de même du suicide de son mari qui a provoqué un incendie qui a brûlé le château et les écuries provoquant la mort de sa jument. Ce n’est pas un petit accident mais on lui cache en partie la vérité.
Comme une réponse à cette chanson, Keny Arkana nous présente 'Madame la Marquise'.
« Tiens plus à son masque qu'à sa vie La même de New York à Paris Ne ressent rien, analyse, cultive l'avarice »
C’est le portrait d’une femme très superficielle et cruelle. Juste avant, le milieu dans lequel elle vit est contradictoire.
« Madame la Marquise, vie dans sa bulle à sa guise Prison dorée à bas prix Aveuglée, car ça brille, dis que la terre, ça salit »
Le terme de ‘prison dorée’ est un oxymore appuyé par l'à bas prix’ montrant qu’en vérité Madame la marquise est loin d’être une marquise, juste une femme qui laisse paraître une richesse. Lors du refrain, Keny Arkana parle à la marquise lui disant que le château brûle.
« Madame la Marquise, le château brûle, je sais c'est fou Pour une fois, je vous en prie, réveillez-vous Les flammes ont déjà attaqué les foules Regardez autour, Madame la Marquise Le château brûle, l'air est rempli de soufre Reste-t-il encore des issues de secours ? Réagissez avant que tout s'écroule Le temps est compté, Madame la Marquise »
Dans les couplets, à plusieurs reprises on retrouve des termes rappelant le refrain et l’incendie.
« Madame la Marquise, de grands concepts se galvanisent »
L’égoïsme de la marquise devient dangereux, ne se préoccupant que d’elle-même.
« Donc si l'pire arrive, Madame la Marquise n'en a que faire Axée sur son dîner du soir Elle doit faire un choix Entre ses plus belles parures et ses jolies robes de soies Faut qu'elle brille, brille, brille de mille feux »
Elle ne se préoccupe pas de ce qui l’entoure persuadée qu’elle ne sera jamais touchée.
« Accrochée à ses œillères et ses plans La guerre dans un coin de l'écran À moins qu'elle devienne attractive
Madame la Marquise prend tout ça de haut Elle a perdu son pull de laine Cautionne la guerre tant qu'elle est loin »
Tout du long, on s’imagine une personne détestable jusqu’à que le couplet se termine.
« Et si tout le monde la défend C'est juste parce qu'elle est la société moderne »
C’est le coup de maître, Keny Arkana utilise une métaphore filée où madame la marquise représente la société moderne, le château représente le pays et l’incendie sont tous les problèmes de la société, les guerres et les violences. C’est la description d’une société qui ne pense qu’à s’enrichir qu’importent les conséquences et ne se préoccupent pas des inégalités ni des problèmes voire ‘cautionne la guerre tant qu’elle est loin’. Donc un pays qui profite des guerres dans les autres pays.
Chaque phrase de ce rap est construite avec un rythme, des effets de rimes, du vocabulaire. Bref, Madame la Marquise reste ma préférée du rap français. Et pour vous avouer, c’est avec ce texte que je me suis entrainé pour mon BAC de français.
Ma préférence en matière de rap reste assez personnelle mais dans l’idée j’apprécie les propos qui sont tenus et la construction d’un texte. Si en plus, la mélodie et le rythme sont appréciables alors là je peux dire que c’est un bon rap. Vous verrez très rapidement que d'autres raps ne sont pas aussi riches que ceux-là.
Pour information, j'ai été prendre les paroles sur paroles.net, comme celui-ci.
A la revoyure pour la prochaine critique, qui ne devrait pas tarder.
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